Tous les ans, à la même époque, c’est la même question récurrente : doit-on nourrir les oiseaux en hiver ? D’abord, pourquoi? Il faut bien se l’avouer, c’est, d’abord, bien souvent pour un plaisir personnel : observer, de sa fenêtre, la multitude de passereaux venir chiper des graines, les identifier, quelques fois participer à des opérations de comptage et se dire que l’on fait une bonne action tout en se faisant plaisir. J’ai moi-même installé une mangeoire au fond du jardin et c’est un réel plaisir d’observer et photographier tout un monde animal qui profite de la cantine.
Mais, qu’en est-il, en fait ? Parmi les oiseaux, il y a les granivores et les insectivores. Les premiers, (Moineaux, Verdiers, Chardonnerets, Gros-becs…) comme le nom l’indique, se nourrissent de graines, de graminées, de baies. Ce sont des ressources qui se trouvent quasiment toute l’année, même si, en hiver, les ressources sont moindres. Le seul vrai moment où cela est plus difficile, c’est en temps de neige. Dans les régions habituellement enneigées l’hiver, les oiseaux savent s’adapter, souvent en se déplaçant pour un endroit plus clément. Mais dans une contrée comme le Quercy, les jours de neige sont rares et il suffit que cela dure exceptionnellement pour mettre en danger nos petits volatiles. Les deuxièmes, les insectivores (Mésanges, Accenteurs, Rouges-gorges…) se nourrissent d’insectes, de larves, chenilles… et modifient naturellement leur nourriture en hiver, quand les insectes se font rares. Mais il y a aussi les insectivores qui ne modifient pas leur mode alimentaire et, donc, migrent tous les ans vers des régions ou des pays plus chauds pour trouver leur nourriture. Fournir de la nourriture adaptée peut leur faciliter les recherches, le problème est que les oiseaux s’habituent vite à cette facilité. Donc, si on commence à nourrir, c’est à partir des journées froides, novembre en général. A partir de ce moment-là, il ne faut pas arrêter brusquement l’apport de nourriture car les oiseaux viendront, parfois de loin (dépense d’énergie) et chercheront en vain vos graines et s’affaibliront. De même, au printemps, l’arrêt des nourrissages se fera progressivement, en quantités de plus en plus réduites et ce sur plusieurs semaines. Les insectivores déserteront d’eux-mêmes la mangeoire, et les granivores seront poussés à se débrouiller seuls. De plus, au printemps, les nouveau-nés ont besoin des protéines apportées par les insectes pour leur développement. Par la suite, à leur envol, les jeunes seront éduqués par leurs parents à la recherche de nourriture. Ainsi, on comprend qu’il est vraiment déconseillé de nourrir hors période hivernale.
Que donner à manger ? 1) D’abord des graines : les graines de tournesol (non grillées et non salées) sont très prisées des oiseaux, de préférences graines noires et non striées, avoine, millet, blé, maïs plus ou moins broyé mais aussi amandes, noix, noisettes, cacahuètes non grillées et non salées. Les fruits très mûrs sont aussi appréciés des oiseaux, pommes, poires, raisins. Choisissez des aliments de bonne qualité, bio de préférence, nous verrons pourquoi plus loin. 2) Bannir les boules de graisses !!! D’abord parce que leur qualité est généralement médiocre et ensuite parce que cela engendre des problèmes de santé sur le long terme (sans parler des oiseaux restés accrochés, piégés par les filets). C’est un peu comme si vos enfants, quand ils ont faim, étaient nourris uniquement avec fast-food, gâteaux et bonbons. Bien sûr, ils adoreraient, mais êtes-vous sûrs que cela serait bon pour leur santé ? 3) Bannir également le pain, les biscottes, eux aussi nocifs à long terme, tout comme le lait et produits laitiers. Pas de pâtes, pommes de terre, riz. Restez le plus possible près des ressources naturelles que pourrait trouver l’oiseau dans la nature. 4) Éviter l’apport d’insectes (vers de farines, vers séchés) durant l’hiver, (ou alors très occasionnellement et en petites quantités). Si cela paraît être une bonne idée, c’est, en réalité, une action qui risque de modifier des habitudes des insectivores qui, habitués à ne pas en trouver en hiver, voient leur cycle perturbé : l’oiseau identifiera cet apport à l’arrivée du printemps et se mettra naturellement à préparer sa couvée qui n’aboutira pas à cause du froid. Les insectivores migrateurs, eux, s’ils continuent de trouver ici leurs besoins, ne chercheront plus à migrer et resteront dans une région froide l’hiver, climat auquel ils ne sont pas habitués et risquent de mourir de froid. 5) Il est indispensable de mettre à disposition de l’eau claire afin de permettre aux oiseaux de s’abreuver ou de se baigner en été mais aussi en hiver. Un récipient peu profond peut suffire afin d’éviter tout risque de noyade. Pensez à changer l’eau régulièrement mais aussi à casser la glace en période de gel.
Hygiène et sécurité. Pensez à nettoyer régulièrement la mangeoire pour éviter tout risque de salmonellose ou autres maladies : ne laissez pas s’accumuler de graines abîmées, non consommées, détrempées par les pluies… Brossez bien pour éliminer fientes et pourritures éventuelles. Si vous utilisez du Javel, diluez-le dans de l’eau froide et rincez ensuite abondamment à l’eau claire. Mais préférez l’utilisation de savon noir ou de Marseille ou de désinfectant naturel : essence de thym ou de serpolet (en pharmacie). Si vous constatez des oiseaux malades ou affaiblis, nettoyez et déplacez votre mangeoire, le sol peut aussi être infecté, certains oiseaux préfèrent manger au sol. Dispersez les points de nourrissage pour limiter le contact et le regroupement des oiseaux. Ayez toujours à l’esprit que les prédateurs sont toujours prêts et à l’affût de ces regroupements de proies. Les chats, notamment, même si on les aime beaucoup, sont un danger permanent pour les oiseaux. Un Epervier aussi, par exemple, peut trouver là ses repas tout prêts. Placez donc la ou les mangeoires hors de portée des prédateurs, assez loin d’une haie ou autre endroit où pourrait se cacher les prédateurs, mais pas trop pour que les oiseaux aient un refuge proche en cas d’attaque.
Grippe aviaire. Chaque organisme vivant est composé de virus et de bactéries qui ne deviennent « maladies » qu’à certaines conditions : la promiscuité, la mauvaise respiration, le manque d’activité physique, le stress, la mauvaise alimentation. Où se déclenche une épidémie de grippe aviaire ? Dans les élevages ! C’est bien là que sont réunies toutes les conditions citées plus haut : des concentrations d’animaux nourris la plupart du temps par des aliments transformés, augmentés de médicaments (antibiotiques …), privés bien souvent d’activité physique, même s’ils sont élevés en plein air, etc…
Quels sont les oiseaux sauvages le plus souvent infectés ? Les Cygnes, les canards ! Ceux des lacs, friands du pain apporté par les visiteurs pour mieux les approcher ou croyant bien faire, les oiseaux des jardins nourris avec force boules de graisse qui sont loin d’être une nourriture naturelle et équilibrée, ou des graines bourrées de produits phytosanitaires. De nombreux oiseaux sauvages sont porteurs sains de la grippe aviaire sans que cela porte préjudice à quiconque.
En conclusion : Vous le voyez, nourrir les oiseaux en hiver peut paraître anodin et part toujours d’un bon sentiment, encore faudrait-il que ce n’ait pas pour résultat l’effet inverse : les rendre sensibles aux maladies. En nourrissant, nous pensons aider à la conservation des espèces, nous pouvons le faire en respectant ces règles élémentaires.
Il est aussi des actions nettement plus efficaces et auxquelles nous ne pensons pas forcément. D’abord, sauvegarder les milieux naturels, les bois et forêts, les haies sauvages, les jachères. Les oiseaux et autres animaux y trouvent tout ce qui leur est nécessaire à leur vie, leur survie : le gîte et le couvert. Gardez des arbres et branchages morts, ils sont indispensables pour les insectes xylophages (qui se nourrissent du bois) qui deviendront eux-mêmes ressource alimentaire d’autres animaux (insectes, oiseaux…). Il en est de même pour le lierre que l’on cherche systématiquement à éliminer. Cette plante, contrairement aux idées reçues, ne fait pas mourir les arbres. (C’est son poids qui fera tomber un arbre déjà faible ou mourant). Le lierre se sert de l’écorce pour s’accrocher et grimper vers la lumière pour pouvoir fleurir, comme il le fait le long d’un mur. L’arbre n’est qu’un support, le lierre se nourrissant par ses racines et non par la sève de l’arbre. En contrepartie, le lierre offre à l’arbre une protection contre le gel et les grosses chaleurs, il abrite et nourrit de nombreuses espèces d'insectes, d'oiseaux ou de mammifères. A l’automne le nectar de ses fleurs est une aubaine pour les insectes pollinisateurs. Au cœur de l’hiver, ses baies sont appréciées des oiseaux au moment où la nourriture se fait moins abondante. En été, ne tondez votre pelouse qu’au strict minimum, laissez le plus possible d’herbes folles, de « mauvaises herbes », qui ne sont mauvaises que dans notre esprit, indésirables surtout pour notre vision de la « propreté » des jardins, des pelouses. Elles sont surtout indispensables à tout un monde animal : oiseaux, insectes, reptiles (et oui, il en faut aussi !)… Autre action à mettre en œuvre, stopper l’utilisation de tous les produits phytosanitaires : glyphosates, désherbants qui empoisonnent directement ou indirectement toute la faune et la chaîne alimentaire : les insectes indispensables à l’alimentation des oiseaux, aux lézards… Les insectes pollinisateurs aussi payent un lourd tribu à nos actions. Sans parler de la pollution des sols sur le long terme (jardins potagers et cultures plus larges…) Chacune de nos actions a des répercussions sur l’environnement, plus ou moins grandes, plus ou moins dangereuses. Mais nous sommes des milliards d’êtres humains sur terre et cela multiplie d’autant les conséquences.
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